Mon expérience personnelle :
de “la déchirure” à “la transparence”
J-Y Leloup, homme sage contemporain, explique que le chemin qui nous mène à la méditation et à la conscience est souvent un moment “numineux”, un moment d’expérience de pure présence, où l’on est à la fois fasciné et terrifié. Il explique qu’il y a différents types d’expériences numineuses :
La première, du domaine de la déchirure : un effondrement, une apocalypse intérieure qui « déchire » notre perception du monde habituelle pour dévoiler ce qui existe au-delà. La conscience s’ouvre dans l’intensité de la souffrance (physique ou psychique).
Une expérience d’éveil au cœur d’un traumatisme.
La deuxième, de l’ordre de la transparence : la présence se révèle à travers la transparence d’un moment privilégié, comme par exemple dans la nature, devant un paysage magnifique, dans la rencontre avec un sage, dans une qualité d’amour ou d’amitié que l’on peut parfois ressentir dans une rencontre, dans l’expérience de l’art, à travers une peinture ou une musique…
A 21 ans, j’ai vécu ce qu’il appelle “une expérience de déchirure” fulgurante.
Je faisais l’expérience d’une maladie et d’une souffrance physique extrême, qui n’avait ni d’explication ni de solution “médicale”.
Pour la première fois, je ne trouvais personne pour me venir en aide et je me retrouvais seule.
À l’apocalypse de cette souffrance, je regardais pour la première fois la perspective de la mort en face.
Soudain, un grand calme.
Je pouvais souffrir et regarder la mort, mon corps n’était pas en train de mourir.
Il était toujours là.
J’étais toujours là.
Et de la solitude, et du désespoir, émergea la présence, en moi.
Un espace plus grand, qui pouvait contenir toute la souffrance.
Malgré que j’étais en train de tout perdre, j’avais trouvé l’essentiel.
S’ensuivit une déchirure beaucoup plus lente, un effondrement de ma vie telle que je la connaissais, lorsque, petit à petit, je du abandonner chaque activité, chaque action de ma vie.
D’abord mes passions, comme la musique, le dessin, puis manquer l’école, devoir mettre un terme à ma relation amoureuse, arrêter de voir mes amis, jusqu’à interrompre complètement mes études.
Mon corps était complètement dépourvu d’énergie et parfois, je n’avais même pas la force de me tenir debout.
Si la souffrance physique était devenue moins aiguë, la souffrance psychique avait pris le pas.
Je ne savais plus qui j’étais. Le “je” privé de son “faire” et donc de son identité, était perdu.
Maintenant, je pourrais nommer cela “expérience d’éveil”, à l’époque, j’avais plutôt l’impression de disparaitre et de m’approcher de la folie.
C’était la présence et l’instinct de survie qui continuait à me tenir ensemble.
Et ces moments de grâce où, parfois, j’avais assez d’énergie pour marcher dans la rue, et je vivais chaque pas comme un miracle. Sentir et écouter le vent dans les feuilles d’un arbre, regarder et sentir l’odeur du soleil sur les pavés gris, respirer l’air…
Je continuais de chercher sans relâche, une explication, un sens, un nom, une solution, une aide à ce qu’il m’arrivait, je trouvais très peu de choses.
Finalement, un nom, très flou, mais officiel « fatigue chronique », sans solution.
J’ai continué de chercher, d’expérimenter, dans de multiples domaines, j’ai appris beaucoup, mais mon état ne changeait que très peu.
Cela a duré 2 ans.
Le ciel était ma seule certitude, il était toujours là, et toujours changeant, toujours magnifique, vu de ma fenêtre. Bleu, gris, blanc, teinté d’étoiles, d’une lune, d’un soleil, de nuages, d’eau ou de neige…
Finalement, mon chemin m’a amené chez quelqu’un de différent.
Elle se définissait comme médecin de l’âme. Je n’avais aucune connaissance et aucune ouverture spirituelle, j’étais simplement prête à tout essayer.
D’un coup, la porte s’est ouverte.
Cette fois, c’était une expérience numineuse de l’ordre de la transparence, un moment rempli de grâce et de présence où tout était clair.
Elle m’avait ouvert le regard sur un autre monde. Un monde au-delà du visible, qui donnait du sens à ce que j’étais en train de vivre. Un monde plus grand. Ou tout est possible.
Elle partait du principe que tous nos traumas passés se figent dans notre inconscient, mais aussi énergétiquement dans notre corps physique, ce qui empêche l’énergie de circuler correctement et crée des troubles de santé.
Plus que des mots, c’était un ressenti vécut dans mon corps, et dans une partie plus profonde de moi, ça vibrait dans mon âme.
Ma vie a pris sens, et j’ai découvert un million de possibilités jusqu’alors impossibles. J’avais la certitude que j’allais enfin guérir et pouvoir reprendre ma vie. Ce que j’ai fait, petit à petit, bien sûr, avec son aide.
Aujourd’hui, avec les années de recul, je comprends aussi que ce jour-là, mon âme avait trouvé sa voie.
J’ai découvert mon corps, mon coeur, mes émotions, mes souffrances et mes joies, mes mémoires, mes croyances, et l’impact que tout cela a sur mon corps et ma santé.
Il m’a fallu encore de longues années pour vraiment comprendre mon fonctionnement et mettre un réel nom sur ce que je vivais : extrême-hypersensibilité.
Concrètement, mon corps somatise chaque émotion, chaque croyance, chaque énergie qui est décalée avec “qui je suis”. Chaque fois que je fais fausse route, chaque fois que j’ai des émotions dont je ne prends pas soin, chaque fois que j’ai des croyances erronées, j’ai un signe de mon corps physique. Une guidance d’une clarté impitoyable…
Un travail de conscience de chaque instant.
Une vie de conscience, chaque jour…
Après cette rencontre, j’ai pu reprendre mes études, revivre l’amour, rejouer de la musique.
Chaque chose me paraissait tellement magnifique, magique, miraculeuse.
J’ai gouté la vie comme jamais auparavant, à 100%, avec un plaisir intense.
J’avais aussi la certitude que ce que cette femme avait fait pour moi, j’allais pouvoir le faire pour d’autres. Je voulais le faire pour d’autres.
Et j’ai emprunté le début du chemin…
Cette fois, mes expériences de présence n’étaient plus via la déchirure, mais via la transparence.
C’était ces moments magiques, ces moments de grâce, de pure présence, de conscience, qui guidait mon chemin.
Je n’avais alors aucune idée de ce que c’était, simplement, c’était ce qui me nourrissait le plus, rendait mon corps en pleine forme et me rendais le plus heureuse, alors j’allais par là.
Je sentais que c’était là que je pouvais toucher la sagesse que je cherchais, celle que mon âme appelait sans cesse et appelle toujours.
Je touchais ces moments principalement à travers la méditation et à travers la rencontre de sages, de thérapeutes et d’enseignants.
Au-delà de toutes les techniques, j’ai réalisé que c’est la qualité de présence du thérapeute qui “guérit”.
Je ne le savais pas encore, que le chemin avait un coeur, et que c’était la présence.
Et le chemin vers la présence… Fort heureusement, est infini.
C’est dans la passion de ce chemin, que j’ai envie de pouvoir offrir ce soutien, cette présence et cette conscience aux autres,
de la déchirure à la transparence…
La déchirure
La transparence